samedi 14 mai 2016

Le concept de Responsabilité Sociale des Entreprises


Responsabilité Sociale des Entreprises
La responsabilité sociale des entreprises (RSE) suscite autant d’intérêt que de controverses. En effet, on assiste depuis quelques années à une floraison de discours, de rapports et de livres sur le développement durable dans les entreprises ou sur la responsabilité sociale des entreprises (corporate social responsability en anglais). Ce mouvement témoigne de l’importance croissante pour les entreprises t’intégrer le champ social et environnemental comme facteur de production. Il est indéniable que leur responsabilité première est de générer de la valeur ajoutée, mais elles peuvent également contribuer à la réalisation des Objectifs de Développement Durable (ODD) sociaux et à la protection de l’environnement, au-delà des seuls objectifs traditionnellement connus ou des prescriptions et incitations publiques, en intégrant la responsabilité sociale comme véritable investissement stratégique. Pour l’Afrique, continent en quête de développement et de croissance soutenue, la RSE représente une opportunité : celle de soutenir un développement durable et inclusif tout en améliorant la performance et l’image des entreprises. Seulement, il faut avant d’approfondir l’intérêt réservé par la RSE aux entreprises et donc à l’économie, comprendre le concept, ses origines et sa méthodologie.


1.    Qu’est-ce que la Responsabilité Sociale des Entreprises ?

Concept encore moins développé en Afrique, la RSE désigne selon une définition convergente des Nations unies, de l’OCDE, de la Commission européenne et de l’Organisation internationale ISO, la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable et leur responsabilité vis-à-vis des impacts environnementaux et sociaux de leurs activités. Notons qu’il n’existe pas de définition consensuelle et internationalement retenue en tant que tel, mais les caractéristiques qui la sous-tendent[1]. La RSE pourrait essentiellement signifier le souci d’amélioration par les entreprises –et ceci de leur propre grès- des intérêts sociaux et environnementaux en liaisons avec les parties prenants dans le but de préserver la génération présente des défis liés aux changements climatiques et de promouvoir un meilleur cadre de vie pour la génération future. Elle intégrée la gestion des relations avec les clients, fournisseurs et la société civile, la lutte contre les discriminations au lieu du service, la prise en compte de l’hygiène et la sécurité dans son volet social. Au niveau environnemental, elle lutte contre les pollutions, les changements climatiques et la dégradation de l’environnement. Deux notions clés se dégagent de cette définition :

  •     « Acte volontaire » pour caractériser le dépassement du simple respect de la règlementation ou celui de la recherche du profit ;
  •     « Intérêts sociaux et environnementaux » afin de prendre en compte les externalités négatives liées aux activités des entreprises sur l’environnement et en rapport avec le social.
La prise de conscience d’un certain nombre d’entreprise en Afrique de leur responsabilité sociale trouve ses origines dans l’observation du système moderne de production des pays du Nord et des conséquences y relatives. Seulement, très peu d’entreprises s’y engagent vraiment. La méconnaissance des bénéfices de la RSE auprès de celles-ci peuvent expliquer la timidité des entreprises à réellement s’engager dans le développement durable de leur activité.

2.    Pourquoi les entreprises doivent s’engager dans la RSE 

Nous l’avons fort rappelé, l’entreprise est un vecteur incontournable pour le développement d’une économie. Seulement, les conséquences liées à son activité ne rendent pas compte d’une gestion équitable du sociale et durable de l’environnement. La RSE se veut donc une mesure correctrice et moralisante. Elle serait même un indicateur de performance de ces entités. Cependant, plusieurs études ne s’accordent pas à ce dernier sujet. Pourtant certaines entreprises s’engagent parfois de leur propre initiative ou dans le but de suivre le protocole de Kyoto. Toutefois, de manière concrète, pourquoi une entreprise devrait s’engager à la RSE ?

a) Préservation de l’image et accroissement de la notoriété auprès des consommateurs 

L’image de marque d’une entreprise de même que sa notoriété auprès de sa clientèle sont des éléments très importants pour un manager. Etant donné la qualité et la quantité des productions dictées par la demande sur le marché, les dirigeants doivent intégrer en tout temps les besoins des consommateurs pour leur apporter satisfaction et assurer une rentabilité.
Dans un contexte de crise de confiance, les attentes des parties prenantes (ONG, consommateurs, …) en matière de gouvernance, d’hygiène, de protection de l’environnement ou de respect d’équité sont légions. L’entreprise ne pourra y apporter de remèdes qu’en instaurant un climat de confiance fondé sur un dialogue franc et des signaux de « gestionnaires moralistes ». La RSE est donc une occasion pour les managers de montrer que l’objectif de l’entreprise n’est pas seulement de faire du profil mais aussi de contribuer à l’atteinte des objectifs de développement durable.

b) Accès préférentiel au marché des capitaux et véritable atout   économique

Avec les exigences actuelles liées à la pratique du développement durable, plusieurs organisations non gouvernementales, syndicats et écologistes pèsent de leur poids pour orienter les financements auprès des entreprises. Ainsi, certains bailleurs de fond n’accepteront financer un projet, une entreprise qu’a la seule condition que les volets environnementaux et sociaux soient explicitement pris en compte. Les entreprises engagées en matière de RSE bénéficieront plus facilement de financements. Ce qui leur permettra de réaliser de bons scores économiques lorsqu’on sait que le problème majeur des entreprises en Afrique reste le financement.
La pratique de la RSE permet aux entreprises de rester en éveil sur la pertinence de la demande sur le marché et donc d’innover. Elle conduit en effet les entreprises à explorer des voies nouvelles pour parvenir à concilier des exigences à première vue contradictoires relevant de registres d’action et de temps différenciés.

c) Outil de gestion des risques

Le fait pour une entreprise de mieux prendre en compte l’impact environnemental, social ou sociétal de ses activités est une manière pour elle de répondre à des pressions déclarées ou anticipées et de prévenir des risques qui peuvent à tout moment compromettre son avenir ou sa rentabilité.
C’est le cas pour une entreprise industrielle qui déverserait dans son entourage des produits nocifs pour l’environnement et pour l’Homme. L’impact sur la rentabilité pourrait en prendre un coup si les consommateurs venaient à bourder les produits. Par ailleurs, les entreprises du fait de la réglementation, feront des dépenses supplémentaires pour rattraper la pollution. Dépenses qui auraient pu être évitées ou réduites en cas de pratique de la RSE.

Si les bénéfices de la RSE sont élogieux, il reste qu’elle nécessite des coûts. A court terme, il serait assez difficile pour les entreprises au Cameroun d’appliquer les mesures sociales de la RSE (Sotamenou et Ndonou, 2012). Il demeure toutefois nécessaire de mettre en place ce formidable outil. La connaissance de la méthodologie à appliquer est assez importante.

3.    Comment s’engager dans la RSE ?

La Responsabilité Sociétale de l’Entreprise s’inscrit dans une nouvelle dynamique de management socio-environnemental. Elle touche tous les démembrements de l’entreprise. L’idéal pour un manager serait de l’intégrer à sa stratégie, à ses modes de fonctionnement et même dans le processus de conception de ses produits.
La mise sur pied des normes (ISO 24000, FLEGT,…) au niveau international, les Organisations Non gouvernementales et syndicats de consommateurs constituent les chemins que pourraient employer les entreprises souhaitant s’engager dans la protection de l’environnement et le respect des normes d’équités sociales. C’est le cas pour les entreprises exportatrices de bois en Afrique qui souscrire au processus FLEGT[2] ou le FSC[3] pour prétendre écouler leur produit sur les marchés européens (l’exemple du Groupe Rougier). Plus proche de nous, l’exemple du poivre de Pendja donc le label est mondialement reconnu, il reste un produit qui ne souffre d’aucune résistance de la part des consommateurs. Ces types de produits sur les marchés sont facilement demandés par les consommateurs qui imposent le respect des conditions de durabilités et d'équités (le travail des enfants, les mauvais traitements des employés, le tribalisme, la destruction de l’écosystème, la destruction de la biodiversité, …).  
Les salariés sont une donnée importante pour le présent et le futur de toutes entreprises. Ces derniers doivent être gérer avec la plus grande délicatesse en telle enseigne qu’elle puisse se sentir partir prenante au processus de développement de la structure. L’inscription à la CNPS[4], les revalorisations salariales, la reconnaissance du mérite, la promotion du sport et l’amélioration du cadre de travail sont autant de mesures sociales qu’un dirigeant peut prendre pour anticiper sur la rentabilité future de sa société à travers l’image qu’il projettera.
Les entreprises ont également le choix d’intervenir dans les activités à caractères sociaux au sein de leur environnement telle la construction des ponts et des routes, l’octroi de bourses scolaires, le reboisement des arbres, le recyclage de ces emballages plastiques, …


Pour approfondir la lecture: 

Isabelle Cadet (2014), « Responsabilité sociale de l’entreprise (RSE), responsabilité éthiques et utopies, les fondements normatifs de la RSE, Etude de la place du droit dans les organisations », Gestion et management, Conservatoire national des arts et metiers - CNAM;

Loubna BARMAKI & Driss AITCHEIKH (2014), « Responsabilité sociétale des entreprises en Afrique: approche comparative (Afrique du Sud, Maroc, Sénégal et Tunisie) », Dossiers de Recherches en Economie et Gestion, N°3; 

Sotamenou Joël et Ndonou Tchoumdop Michèle Estelle (2012), « Pratique de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) par les managers de PME au Cameroun », Rapport de Recherche du FR-CIEA, N° 38/12, Dakar, Décembre ;






[1] Lire le rapport du groupe consultatif de l’Organisation internationale des normes (ISO) sur la RSE, rendu public le 30 avril 2004.
[2] FLEGT : Forest Law Enforcement Governance and Trade
[3] FSC : Forest Stewardship Council
[4] CNPS: Caisse nationale de prévoyance sociale du Cameroun

vendredi 29 avril 2016

Problématique du Franc CFA comme outil de développement économique et social des pays de la zone Franc


La zone Franc est une entité intégrée d’Etats qui ont en partage le Franc CFA[1]. Elle compte 15 États africains plus la France[2]. Après leur accession à la souveraineté internationale, ces États ont continué à utiliser la monnaie française comme devise ancre afin de pouvoir effectuer des opérations sur le marché international. Seulement le niveau de développement de ces derniers est assez disparate. A l’observation, les économies de la CEMAC connaissent des développements en dents de scie, atteignant difficilement des scores de croissance supérieurs à 8%. A contrario, celles de l’Afrique de l’Ouest semblent mieux intégrées et développées. Chaque zone émet son propre Franc CFA à travers leurs banques centrales respectives à savoir la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) et la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest(BCEAO)[3].
La problématique liée au franc CFA comme monnaie de développement économique et social reste d’actualité. Elle pose la question de la capacité réelle du Franc CFA à impulser et à soutenir le développement des pays membres de la zone Franc. En effet, plus de 50 années après les indépendances, ces États connaissent toujours des difficultés de croissance économique comparativement aux pays comme le Nigéria, le Ghana, et l’Afrique du Sud détenteurs de monnaie nationale. Pourtant, la monnaie joue un rôle indéniable  pour toute économie.

1. L’importance de la monnaie pour le développement économique et sociale d’un pays


La monnaie est une identité et un actif économique important dont le rôle est indéniable pour le développement économique et social d’un pays. Elle est un outil de puissance, de souveraineté, de renforcement de la cohésion sociale et de développement (Tchundjang, 1981 ; Agbohou, 1999 ; Kamgang, 2000). Trois (3) principales fonctions lui sont reconnues :

- La fonction de réserve de valeur : C’est une faculté que possède la monnaie à transférer du pouvoir d’achat dans le temps. C’est un instrument d’épargne. Cette fonction permet aux agents économiques de pouvoir acquérir les actifs souhaités selon leur espace temporel sans peur de perdre totalement la valeur monétaire de leur épargne ;

- La fonction d’intermédiaire dans les échanges : C’est la capacité que détient la monnaie de satisfaire aux besoins des populations dans l’acquisition des biens économiques. Elle vient pallier aux problèmes de doubles coïncidences de biens relevées dans l’économie de troc. Elle permet d’effectuer les opérations d’achats et de ventes sur un marché ;

- La fonction d’unité de compte : La monnaie constitue une référence, un étalon de mesure permettant d’estimer la valeur des biens et services. Il serait donc difficile d’acquérir un bien ou un service s’il n’est pas possible de déterminer sa valeur monétaire.

L’on pourrait ajouter aussi une autre fonction, celle de la cohésion sociale dans la mesure où la monnaie unit les peuples et préserve la paix en faisant abstraction du statut d’agents économiques de la société. Il n’existe pas une monnaie pour les moins nantis et une autre pour les plus nantis. Pour un meilleur fonctionnement de l’économie, la monnaie joue un rôle central. Si elle n’est pas acceptée des agents économiques, il est fort à parier du difficile progrès de l’économie.

Aujourd'hui, dans les consciences populaires en zone CEMAC ou UEMOA, la pensée collective colle au Franc CFA l’expression de monnaie coloniale (Mehdora, 1995). Celle-ci pourrait affecter la confiance faite à cette monnaie et restreindre les performances qui auraient pu être enregistrées. La monnaie c’est avant tout la confiance que lui donnent les agents économiques principaux utilisateurs. S’il est vrai que la valeur d’une monnaie est approuvée par le Fonds Monétaire International, c’est avant tout les utilisateurs qui lui donnent un sens. Le Nigéria avec le Naïra (monnaie non acceptée sur le marché international) est aujourd'hui le premier pays sur le plan économique en Afrique à travers la vivacité de ses agents économiques qui ont développé un marché dont l’attrait est approuvé jusque dans les pays du nord. La confiance en cette monnaie, qui est une identité dans le pays, accompagnée d’une politique rigoureuse de l’autorité monétaire, contribue au développement du pays. C’est également le cas des pays tels que la Corée du Sud, le Ghana, et le Rwanda dont le niveau de développement était peu attrayant dans les années 1960.

2. Les principes de fonctionnement de la zone Franc, un frein au développement des pays membres

Plusieurs principes régissent le fonctionnement de la zone Franc. Seulement, ils ne concourent pas toujours au développement socio-économique des économies de la zone après plus de 50 années de coopération comme le font remarquer les auteurs tels que Gnimassoun (2012) ; Allechi Mbet, et Madeleine  Niamkey (1994) et Nicolas Agbohou (1999).

- Le principe de la convertibilité illimitée : le franc CFA est une monnaie qui n’a cours légal qu’au sein des Etas membres la zone Franc. C’est la raison pour laquelle afin d’effectuer des achats sur le marché international, les pays de la zone Franc doivent tout d’abord convertir leur monnaie en Euro. Le garant de cette convertibilité est le Trésor français qui selon le principe suscité, doit satisfaire de manière illimitée les demandes de conversions des États membres. Ceci aurait été encore possible tant que la France n’avait pas renoncé à sa souveraineté monétaire en confiant sa politique monétaire à la Banque Centrale Européenne (BCE). Dès lors, elle a perdu sa faculté à créer la monnaie à partir de rien et donc de satisfaire à sa guise la demande de conversion monétaire des pays membres de la zone Franc. Si le Cameroun souhaite par exemple acquérir l’équivalent de 1 000 Fcfa en Euro pour effectuer des achats en Chine, le Trésor français pourrait ne disposer que l’équivalent de 700 Fcfa, ce qui ne permettrait pas au Cameroun de réaliser son opération. Ce principe ne remplit plus sa mission et devient ainsi une entrave au développement économique de la zone ;
-   Le compte d’opération : Avant le 26 Septembre 2005, les pays membres de la zone CFA étaient tenus de verser au Trésor français 65% de leur réserve de devise. Il est désormais de 50%. En réalité, chaque État est tenu de verser au Trésor français 50% du total de ses recettes d’exportation sur les marchés internationaux en vue de se constituer un stock de devises. Plus explicitement, si le Cameroun venait à vendre aux États Unis du pétrole pour 1 000$, il devrait reverser une somme équivalent à la moitié de 1 000$, soit 500$ dans son compte auprès du Trésor français. La France garantira ainsi ces achats en lui octroyant les devises dont il aura besoin. Seulement, le Trésor fixe des quotas au-dessus desquels il n’est pas possible d’acquérir la somme demandée. Ceci causerait inlassablement des manques à gagner pour les pays africains de la zone Franc (PAZF). Par ailleurs, le trésor français dispose de ces devises à sa guise et peut les faire fructifier sur les marchés financiers. Le second handicap viendrait du fait que les PAZF ne pourraient pas jouir de la totalité des revenus issus des exportations bien que il y ait dans ces pays de nombreux chantiers de développement en cours d’exécution ou à l’état de projets ;
-  La fixité du taux de change du Franc CFA par rapport à l’Euro ne permet pas aux États membres de la zone Franc de bénéficier des avantages que procure le régime de change variable pour des raisons suivantes. Premièrement, il est davantage conseillé aux économies frileuses des chocs asymétriques de ne point faire le choix du change fixe étant donné le retour à l’équilibre ré-établi par l’ajustement du taux de change nominal. La seconde raison tient au degré d’intégration des pays de la zone. La zone CEMAC peine à rendre concrète les bases d’une zone d’intégration monétaire telle la libre circulation des personnes et des biens, ce qui ne contribue pas au renforcement des économies. Nous pouvons conclure avec Amina Lahrèche-Revil que : « Dans ces conditions, un régime de change fixe ne serait désirable que si les pays considérés constituent une zone monétaire optimale (ZMO), c'est-à-dire si la flexibilité des prix et la mobilité des facteurs sont en mesure d'absorber les perturbations économiques sans qu'il soit nécessaire de recourir à un ajustement du taux de change nominal[4] ».

De ce qui précède, il serait difficile pour les pays de la zone Franc d’accéder au rang des pays développés s’ils ne peuvent jouir du potentiel de leur monnaie de façon souveraine. Ceci est exacerbé par la présence permanente du « conseiller » français qui influe considérablement sur les politiques de développement de ces pays.

3. Repenser la monnaie au sein de la zone Franc

Il existe cependant des voies d’amélioration de la présente situation économique et sociale des pays de la zone franc.
Renégocier l’ensemble des accords serait inévitable pour un nouveau départ des pays de la zone Franc. Il est souhaitable qu’il n’y ait plus de compte d’opération auprès du Trésor français et que la convertibilité illimitée soit rétablie. Les États de la zone Franc ont besoin de commercer sur le marché international et de financer leur développement sans toutefois être dépendant des prêts.
S’il paraît difficile de parvenir à un consensus, ces États pourraient envisager créer leur propre monnaie. En effet, en tant que zone d’intégration économique et monétaire, elle constitue un marché non sans importance de par la taille de sa population et des ressources naturelles disponibles. Elle peut donc prétendre à sa souveraineté monétaire et créer une banque centrale unique garant de la stabilité monétaire.
Toutefois, la création d’une monnaie unique ne suffirait pas pour régler la question du développement des pays de la zone Franc. Pour cela, cette transformation monétaire devrait aller de pair avec des règles rigoureuses et contraignantes de bonne gouvernance dans tous les domaines de l’économie, portées par des dirigeants à la conscience avérée qui ne confondraient pas bien collectif et bien public. Il faudrait aussi amener les agents économiques des différents États à accepter le changement de monnaie et à faire la promotion des produits locaux. Ceci permettrait le développement du marché régional et impulsera la croissance économique des États membres.

Quelques repères bibliographiques :

Alexander Yeat (1990), « Do African countries pays more for imports? Yes », the World Bank Economic review. Vol.4 N°1 ;

Allechi Mbet, Madeleine A Niamkey (1994), « Evaluating the net gains from the CFA franc zone membership: A different perspective », World Development, IMF. Vol 22, n° 8, Special Issue. August, pp 1147-1160 ;

Blaise Gnimassoun (2013), « taux de change et mésalignement du Franc CFA avant et après introduction de l’Euro », EconomiX-CNRS, Université Paris Ouest – Nanterre La Défense, Working paper ;

Hubert Kamgang (2000), Le Cameroun au XXIe siècle – Quitter la CEMAC, puis œuvrer pour une monnaie unique dans le cadre des États Unis d’Afrique, éd. Renaissance Africaine, Yaoundé;

Joseph Tchundjang Pouémi (1981), Monnaie, Servitude et Liberté : Répression monétaire de l’Afrique, éditions Menaibuc, Paris;

Mamadou Koulibaly (2009), « La souveraineté monétaire des pays africains », Conférence prononcée à l'invitation de l'Association "REPÉRES", Centre International de Conférence de Bamako, 15 Août ;

Nicolas Agbohou (1999), « Le Franc cfa et l'Euro contre l'Afrique », Ed Solidarité Mondiale. Paris;

Rohinton Medhora (1995), « The allocation of seigniorage in Franc Zone: the Beac and Bceao regions compared » ;







[1] Franc CFA : Franc de la Coopération Financière en Afrique Centrale (zone CEMAC) et franc de la Communauté Financière d’Africaine pour l’Afrique de l’Ouest
[2] En Afrique de l’Ouest : le Bénin, le Burkina-Faso, la Côte-d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo;
En Afrique centrale : le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad ;
Et les Comores.
[3] L’équivalent pour un agent économique qui détiendrait 1 000 Fcfa de la zone CEMAC en zone UEMOA est de 950 Fcfa.
[4] Lire le livre de Amina Lahrèche-Revil publié en 1999 et intitulé « l’économie mondiale 2000 ».

samedi 2 avril 2016

Changements climatiques et insécurité alimentaire au Cameroun


 
Un berger inconsolable face aux effets du changement climatique
Il ne passe plus une journée sans que le ciel ne change d’apparence sans toutefois prévenir… Dans la partie septentrionale du pays, les saisons sèches sont davantage longues et le bétail se fait rare. Les inondations sont de plus en plus présentes dans la ville de Yaoundé et les produits alimentaires deviennent de moins en moins accessibles (Egger et Künzler, 2013). Ce tableau peint ainsi la nouvelle situation dans laquelle plusieurs pays de la région Afrique centrale se trouvent. Les changements climatiques sont un fait réel et demeurent une difficulté pour les pays développés et des pays en voie de développement. C’est la raison qui a poussé les États à se réunir au brésil à Rio en 1992 afin de prendre des mesures « contraignantes » pour lutter contre les changements climatiques. Ils impactent sur la sécurité alimentaire de la plus part de pays en développement. C’est fort de l’importance accordée à la santé alimentaire des populations que la FAO a placé l’année 2014 comme « Année internationale de l’agriculture familiale ».

La présente analyse se propose de définir dans une première partie les notions de changements climatiques et de sécurité alimentaire, ensuite, discuter des implications des changements climatiques sur la sécurité alimentaire. Quelques pistes de solutions permettront de mieux se projeter vers l’avenir.

Définitions des concepts


L’article 1er de la Convention cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (CCNUC), adoptée au cours du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992, définit les changements climatiques comme « des changements de climat qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l'atmosphère mondiale et qui viennent s'ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables ». Les changements sont d’origines diverses : ils proviennent des processus intrinsèques à la terre, d’influences extérieures (soleil) ou de l’action directe de l’Homme. Ce phénomène constitue l’un des plus grands défis de l’histoire de l’humanité. Lors de son allocution au Sommet Mondial des entreprises en 2009, Ban-Ki-Moon, Secrétaire Général de l’ONU,  déclara que :

 « Le changement climatique influe sur tous les aspects de la société, de la santé de l’économie mondiale à la santé de nos enfants. Il a une incidence sur l’eau qui alimente nos puits et coule de nos robinets, sur la nourriture que nous consommons (...). En bref, il se trouve au cœur de tous les grands défis aujourd'hui ». (PAM, 2010)[1].

Les changements climatiques affectent surtout les populations vulnérables et plus particulièrement celles des pays du Sud. Ceci serait dû à un manque de ressources financières, de mains d’œuvre qualifiées, de  connaissances et de technologies adéquates.

Ce nouvel aléa a été l’amplificateur de nombreux maux telle que l’insécurité alimentaire. Ce dernier a été mentionné pour la première fois lors de la Conférence mondiale sur l’alimentation de 1974, faisant suite à la crise alimentaire mondiale donc la cause fut l’envolée des prix (Bricas, 2008). C’est une notion qui a évolué avec le temps. En 1996, l’hors de la rencontre sur le sommet mondiale de l’alimentation, l’Organisation de l’Agriculture et l’Alimentation des Nations Unis (FAO) a consacré à la sécurité alimentaire, la définition suivante : « la sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ».

Quatre caractéristiques majeures se dégagent de cette définition : (i) la disponibilité de la nourriture en quantité suffisante; (ii) la stabilité de l’approvisionnement ; (iii) l’accessibilité physique et économique des denrées, et (iv) la qualité nutritionnelle. L’ensemble de ces caractéristiques doivent être vérifiées afin de qualifier d’un pays d’être en situation de sécurité alimentaire. Ce qui dans la plus part des cas, reste assez difficile au vu des conséquences que peut avoir les changements climatiques sur cette dernière.
  

 Conséquences des changements climatiques sur la sécurité alimentaire


Changements climatiques et insécurité alimentaire sont deux notions étroitement liées. En 1974 et en 2008, le monde a connu deux crises alimentaires sans précédentes dues à la hausse des prix de produits de premières nécessités. Les habitudes culturales au Cameroun ont été modifiées par les effets des changements climatiques. En effet, l’augmentation de la concentration des Gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère a pour conséquence, entre autres, la hausse des températures et la multiplication des inondations, la persistance de la sécheresse et la dégradation des terres arabes, les fortes migrations d’Hommes et la rareté des produits de consommation de premier ordre. Ces événements ont une incidence sur le travail des agriculteurs et donc l’approvisionnement qualitatif et quantitatif des produits agricoles. Or le secteur agricole joue un rôle très important dans l’économie au Cameroun. Selon INS (2009)[2], sa contribution fut de 30% en 2008 du Produit intérieur brut national.

Les conséquences des changements climatiques affectent aussi les revenus des populations. La difficulté de poursuivre l’activité par les paysans tant à diminuer les revenus et exposer ces derniers à la consommation monotone de quelques denrées alimentaires surtout lorsqu’on sait que la plupart des revenus sont issus de la vente des produits agricoles[3]. D’après Molua (2009), une diminution des précipitations de 7% ferait chuter les revenus nets agricoles d’environ 2,86 milliards de dollars US.
La rareté des points d’eau et des pâturages dans la partie nord-Cameroun, grand pourvoyeur de viande de bœuf sur le marché national et sous régional ne permettent pas le développement du bétail. L’élévation des températures, le raccourcissement de la durée des saisons de pluies combinés à l’assèchement du Lac Tchad ont été à l’origine des tensions entre agriculteurs et éleveurs (INS, 2011).  Ces derniers ont été contraints de migrer vers des points moins atteints à la recherche des puits d’eau et des terres fertiles. D’autres ont dû changer d’activités, développant les métiers d’artisanat par exemple. N’ayant pas de qualifications pour ces « nouveaux » métiers, il est assez difficile de se faire des revenus afin d’acquérir des produits de consommations souhaitées. C’est dans cette même logique que Madame Josette Sheeran, Directrice Exécutive du PAM en Septembre 2009, affirme que : « Tous les jours, nous constatons les ravages de la faim dues aux changements climatiques sur les personnes que nous aidons. Tous les jours, nous voyons des gens souffrir en raison de la sécheresse et des inondations. Et chaque année, la situation empire ». (PAM, 2010).

Au Cameroun, les populations sont en permanence en situation d’insécurité alimentaire. Pourtant, le pays regorge un potentiel immuable. Il est des régions où il y’a de forte production et de bonne qualité, mais l’état des routes ne permet pas toujours de les transférer dans les grandes villes. Conséquence, la population n’a pas le choix des préférences. Or, si l’une des caractéristiques édictées par la FAO n’est pas respectée, l’on ne saurait affirmer qu’une population soit en sécurité alimentaire.

Propositions de solutions


Des développements précédents, il convient de proposer quelques pistes de solutions permettant au pays de mieux s’armer pour faire face aux changements climatiques et améliorer son score de sécurité alimentaire.

Vente collective de produits de premières necessités
Vente collective de la MIRAP à Yaoundé
La famine au Cameroun n’est pas seulement un problème de disponibilité et de qualité d’aliments sur les marchés, mais aussi un problème d’accessibilité. Des mesures ont été prises par l’état pour maitriser les prix et endiguer les pénuries des produits de fortes consommations. C’est dans ce cadre qu’il faut situer le Décret n° 2011/019 du 1er février 2011 portant création de la Mission de Régulation des Approvisionnements des Produits de Grande Consommation (MIRAP), qui se veut une structure d’alerte, d’achat, d’importation et de stockage des produits de grande consommation, en vue d’un approvisionnement du marché dans les meilleures conditions. Quoiqu’il en soit, la couverture géographique dudit programme et la proportion de la population qui en bénéficie restent problématiques. Il convient donc pour l’Etat de mieux affiner la stratégique de ce programme afin de parvenir aux résultats escomptés. Elle pourrait consister à implanter une « MIRAP » par département en telle enseigne que chacune soit indépendante et gérée par une commission locale. Elle sera d’avantage proche des populations et contribuera au mieux à la lutte contre l’insécurité alimentaire au Cameroun.

Une autre approche serait de s’adapter aux changements climatiques. Elle consisterait à l’accompagnement des agriculteurs dans la pratique de l’agriculture de contre-saison afin d’éviter la dépendance au climat. Pour ce faire, les politiques de développement communales doivent développer des modules de formations sur les méthodes de culture résilientes au climat et adresser aux agriculteurs (à travers des parcelles d’expérimentations par exemple). Elles pourraient également intégrer dans leur cahier de charge l’organisation des rencontres thématiques et d’informations sur les innovations récentes dans le domaine agro-pastorale.

Dans le même  registre, les actions ci-après doivent être entreprises :
  • Construction des greniers et magasins à travers le pays, dans les grands bassins de production;
  • Accompagnement et encadrement d’institutions offrant des formations professionnelles orientées vers le monde rural, la production animale et végétale notamment sur le plan infrastructurel;
  •  Améliorer la recherche par le financement des structures de recherches en agriculture afin que celle-ci puissent mettre sur pied des semences résilientes, capable de résister aux intempéries causés par les changements climatiques ;
  •  Aménagement des voies d’accès dans les grands bassins de productions.

Il ne fait aucun doute que ces politiques permettront de lutter contre les désagréments des changements climatiques et, d’améliorer la sécurité alimentaire au Cameroun.
  

Indications Bibliographiques:

Institut National de la Statistique du Cameroun (2011), Changements Climatiques, Production Agricole et Effets sur la Population au Cameroun, [Fomekong, F., Ngono, G. (eds.)], Cameroun;

Molua, E. L., (2009), « An empirical assessment of the impact of climate change on smallholder agriculture in Cameroon », in Journal of Global and Planetary Change (67:3-4) ;

Bricas Nicolas (2008), « La hausse des prix, les émeutes, la crise alimentaire et le sommet de Rome », Cirad, UMR Moisa, 4 Septembre (http://umr-moisa.cirad.fr/content/download/4802/33967/version/1/file/La+hausse+des+prix,+les+%C3%A9meutes,+la+crise+alimentaire,+le+sommet+de+Rome.pdf );

FAO (1996), Sommet Mondial de l’Alimentation, Déclaration de  Rome sur la sécurité alimentaire, Rome, (http://www.fao.org/docrep/003/w3613f/w3613f00.htm);

PAM (2010), Faim et changement climatique, Via C.G. Viola, 68/70 - 00148 Rome, Italie.




[1] PAM : Programme Alimentaire Mondiale
[2] INS : Institut National de la Statistique au Cameroun.
[3] Au Cameroun, l’agriculture est pratiquée par plus de 70% de la population. Cette population utilise les revenus issus de la vente des produits agricoles pour s’approvisionner en d’autres produits de consommation. Si une inondation venait à détruire par exemple un champ de maïs, il est clair que le propriétaire ne pourra s’offrir d’autres produits souhaités par manque de moyens financiers.

lundi 28 mars 2016

Le Crowdfunding, un mode de financement alternatif pour les entrepreneurs au Cameroun


Des difficultés de financement réelles pour les starts-up et les PME camerounaises
Les difficultés liées à l’acquisition des financements par les entreprises apparaissent aux côtés de celles liées à l’obtention des équipements et de la technologie, comme une grosse épine pour le développement de l’économie au Cameroun. En effet, l’existence au Cameroun de banques commerciales en grand effectif n’aide pas les entreprises du fait du rationnement et de l’échéance de remboursement des crédits allant difficilement au-delà du moyen terme . Cette situation n’encourage pas le développement de la concurrence par la création d’entreprises et donc la création des richesses et la lutte contre le chômage. Pourtant, selon le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE), les pouvoirs publics accordent une place de choix au développement des entreprises, la transformation du tissu industriel et l’amélioration des conditions de vie des agents économiques. Seulement, sans financement, il est quasi impossible d’atteindre ces objectifs. De plus, le tissu économique camerounais comprend plus de 70% d’activités informelles, très souvent en quête de financement pour développer leur activité. La nécessité pour les jeunes entrepreneurs de se tourner vers de nouveaux modes de financement est inéluctable.
Le financement participatif ou « crowdfunding »
Le financement participatif, mode de financement par la foule ou encore « crowdfunding », est un nouveau mode de financement via le Web2.0. Ce dernier né de la finance économique apporte une solution à la mise en œuvre et au développement des entreprises de par le monde. Né dans les pays développés notamment aux Etats Unis, il est semblable aux tontines très connues au Cameroun et donc l’importance pour les entrepreneurs est avérée. La finance participative connaît un essor fulgurant dans les milieux artistiques mais aussi dans le secteur de l’entrepreneuriat innovant. C’est un mécanisme de financement de projets permettant de collecter des sommes -parfois très petites- d’un très grand nombre de personnes. Il propose des méthodes et des outils de transactions financières basés sur une désintermédiation des acteurs traditionnels de la finance comme les banques. Contrairement au système bancaire classique, la philosophie du financement participatif n’est pas de tirer seulement profit de son investissement mais d’apporter une modeste contribution à la mise en œuvre d’une idée pertinente de projet quel que soit l’espace géographique…