Un berger inconsolable face aux effets du changement climatique |
La
présente analyse se propose de définir dans une première partie les notions de
changements climatiques et de sécurité alimentaire, ensuite, discuter des
implications des changements climatiques sur la sécurité alimentaire. Quelques
pistes de solutions permettront de mieux se projeter vers l’avenir.
Définitions des concepts
L’article
1er de la Convention cadre des Nations-Unies sur les changements
climatiques (CCNUC), adoptée au cours du Sommet de la Terre de
Rio de Janeiro en 1992, définit
les changements climatiques comme « des changements de climat qui sont
attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la
composition de l'atmosphère mondiale et qui viennent s'ajouter à la variabilité
naturelle du climat observée au cours de périodes comparables ». Les changements
sont d’origines diverses : ils proviennent des processus intrinsèques à la
terre, d’influences extérieures (soleil) ou de l’action directe de l’Homme. Ce
phénomène constitue l’un des plus grands défis de l’histoire de l’humanité. Lors
de son allocution au Sommet Mondial des entreprises en 2009, Ban-Ki-Moon, Secrétaire
Général de l’ONU, déclara que :
« Le
changement climatique influe sur tous les aspects de la société, de la santé de
l’économie mondiale à la santé de nos enfants. Il a une incidence sur l’eau qui
alimente nos puits et coule de nos robinets, sur la nourriture que nous
consommons (...). En bref, il se trouve au cœur de tous les grands défis aujourd'hui ». (PAM,
2010)[1].
Les
changements climatiques affectent surtout les populations vulnérables et plus
particulièrement celles des pays du Sud. Ceci serait dû à un manque de
ressources financières, de mains d’œuvre qualifiées, de connaissances et de technologies adéquates.
Ce
nouvel aléa a été l’amplificateur de nombreux maux telle que l’insécurité
alimentaire. Ce dernier a été mentionné pour la première fois lors de la Conférence
mondiale sur l’alimentation de 1974, faisant suite à la crise alimentaire
mondiale donc la cause fut l’envolée des prix (Bricas, 2008). C’est une notion
qui a évolué avec le temps. En 1996, l’hors de la rencontre sur le sommet
mondiale de l’alimentation, l’Organisation de l’Agriculture et l’Alimentation
des Nations Unis (FAO) a consacré à la sécurité alimentaire, la définition suivante
: « la sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout
moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et
nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs
préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ».
Quatre
caractéristiques majeures se dégagent de cette
définition : (i) la disponibilité de la nourriture en quantité suffisante;
(ii) la stabilité de l’approvisionnement ; (iii) l’accessibilité physique et
économique des denrées, et (iv) la qualité nutritionnelle. L’ensemble de ces
caractéristiques doivent être vérifiées afin de qualifier d’un pays d’être en
situation de sécurité alimentaire. Ce qui dans la plus part des cas, reste
assez difficile au vu des conséquences que peut avoir les changements
climatiques sur cette dernière.
Conséquences
des changements climatiques sur la sécurité alimentaire
Changements
climatiques et insécurité alimentaire sont deux notions étroitement liées. En
1974 et en 2008, le monde a connu deux crises alimentaires sans précédentes dues
à la hausse des prix de produits de premières nécessités. Les habitudes
culturales au Cameroun ont été modifiées par les effets des changements
climatiques. En effet, l’augmentation de la concentration des Gaz à effet de
serre (GES) dans l’atmosphère a pour conséquence, entre autres, la hausse des températures et la multiplication
des inondations, la persistance de la sécheresse et la dégradation des terres
arabes, les fortes migrations d’Hommes et la rareté des produits de
consommation de premier ordre. Ces événements ont une incidence sur le travail des
agriculteurs et donc l’approvisionnement qualitatif et quantitatif des produits
agricoles. Or le secteur agricole joue un rôle très important dans l’économie au
Cameroun. Selon INS (2009)[2], sa contribution fut de 30% en 2008 du Produit intérieur brut national.
Les
conséquences des changements climatiques affectent aussi les revenus des
populations. La difficulté de poursuivre l’activité par les paysans tant à
diminuer les revenus et exposer ces derniers à la consommation monotone de
quelques denrées alimentaires surtout lorsqu’on sait que la plupart des revenus
sont issus de la vente des produits agricoles[3].
D’après Molua (2009), une diminution des précipitations de 7% ferait chuter les
revenus nets agricoles d’environ 2,86 milliards de dollars US.
La
rareté des points d’eau et des pâturages dans la partie nord-Cameroun, grand
pourvoyeur de viande de bœuf sur le marché national et sous régional ne permettent
pas le développement du bétail. L’élévation des températures, le
raccourcissement de la durée des saisons de pluies combinés à l’assèchement du
Lac Tchad ont été à l’origine des tensions entre agriculteurs et éleveurs (INS,
2011). Ces derniers ont été contraints
de migrer vers des points moins atteints à la recherche des puits d’eau et des
terres fertiles. D’autres ont dû changer d’activités, développant les métiers
d’artisanat par exemple. N’ayant pas de qualifications pour ces « nouveaux »
métiers, il est assez difficile de se faire des revenus afin d’acquérir des
produits de consommations souhaitées. C’est dans cette même logique que Madame
Josette Sheeran, Directrice Exécutive du PAM en Septembre 2009, affirme
que : « Tous les jours, nous
constatons les ravages de la faim dues aux changements climatiques sur les
personnes que nous aidons. Tous les jours, nous voyons des gens souffrir en
raison de la sécheresse et des inondations. Et chaque année, la situation
empire ». (PAM, 2010).
Au
Cameroun, les populations sont en permanence en situation d’insécurité
alimentaire. Pourtant, le pays regorge un potentiel immuable. Il est des
régions où il y’a de forte production et de bonne qualité, mais l’état des
routes ne permet pas toujours de les transférer dans les grandes villes.
Conséquence, la population n’a pas le choix des préférences. Or, si l’une des
caractéristiques édictées par la FAO n’est pas respectée, l’on ne saurait
affirmer qu’une population soit en sécurité alimentaire.
Propositions de solutions
Des
développements précédents, il convient de proposer quelques pistes de solutions
permettant au pays de mieux s’armer pour faire face aux changements climatiques
et améliorer son score de sécurité alimentaire.
Vente collective de la MIRAP à Yaoundé |
La
famine au Cameroun n’est pas seulement un problème de disponibilité et de
qualité d’aliments sur les marchés, mais aussi un problème d’accessibilité. Des mesures ont été prises par l’état pour maitriser les
prix et endiguer les pénuries des produits de fortes consommations. C’est dans
ce cadre qu’il faut situer le Décret n° 2011/019 du 1er février 2011
portant création de la Mission de Régulation des Approvisionnements des Produits de Grande Consommation (MIRAP), qui se veut une structure d’alerte,
d’achat, d’importation et de stockage des produits de grande consommation, en
vue d’un approvisionnement du marché dans les meilleures conditions. Quoiqu’il
en soit, la couverture géographique dudit programme et la proportion de la population qui en bénéficie restent
problématiques. Il convient donc pour l’Etat de mieux affiner la stratégique de
ce programme afin de parvenir aux résultats escomptés. Elle pourrait consister
à implanter une « MIRAP » par département en telle enseigne que
chacune soit indépendante et gérée par une commission locale. Elle sera
d’avantage proche des populations et contribuera au mieux à la lutte contre
l’insécurité alimentaire au Cameroun.
Une autre approche serait de s’adapter aux changements
climatiques. Elle consisterait à l’accompagnement des agriculteurs dans la
pratique de l’agriculture de contre-saison afin d’éviter la dépendance au
climat. Pour ce faire, les politiques de développement
communales doivent développer des modules de formations sur les méthodes de
culture résilientes au climat et adresser aux agriculteurs (à travers des
parcelles d’expérimentations par exemple). Elles pourraient également intégrer
dans leur cahier de charge l’organisation des rencontres thématiques et
d’informations sur les innovations récentes dans le domaine agro-pastorale.
Dans le même registre, les
actions ci-après doivent être entreprises :
- Construction des greniers et magasins à travers le pays, dans les grands bassins de production;
- Accompagnement et encadrement d’institutions offrant des formations professionnelles orientées vers le monde rural, la production animale et végétale notamment sur le plan infrastructurel;
- Améliorer la recherche par le financement des structures de recherches en agriculture afin que celle-ci puissent mettre sur pied des semences résilientes, capable de résister aux intempéries causés par les changements climatiques ;
- Aménagement des voies d’accès dans les grands bassins de productions.
Il
ne fait aucun doute que ces politiques permettront de lutter contre les
désagréments des changements climatiques et, d’améliorer la sécurité
alimentaire au Cameroun.
Indications
Bibliographiques:
Institut
National de la Statistique du Cameroun (2011), Changements Climatiques,
Production Agricole et Effets sur la Population au Cameroun, [Fomekong, F.,
Ngono, G. (eds.)], Cameroun;
Molua, E. L., (2009), « An empirical assessment of
the impact of climate change on smallholder agriculture in Cameroon », in
Journal of Global and Planetary Change (67:3-4) ;
Bricas
Nicolas (2008), « La hausse des prix, les émeutes, la crise alimentaire et
le sommet de Rome », Cirad, UMR Moisa, 4 Septembre (http://umr-moisa.cirad.fr/content/download/4802/33967/version/1/file/La+hausse+des+prix,+les+%C3%A9meutes,+la+crise+alimentaire,+le+sommet+de+Rome.pdf
);
FAO
(1996), Sommet Mondial de l’Alimentation, Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire, Rome, (http://www.fao.org/docrep/003/w3613f/w3613f00.htm);
PAM
(2010), Faim et changement climatique, Via C.G. Viola, 68/70 - 00148
Rome, Italie.
[1]
PAM : Programme Alimentaire Mondiale
[2] INS : Institut National de
la Statistique au Cameroun.
[3] Au Cameroun, l’agriculture est
pratiquée par plus de 70% de la population. Cette population utilise les
revenus issus de la vente des produits agricoles pour s’approvisionner en
d’autres produits de consommation. Si une inondation venait à détruire par
exemple un champ de maïs, il est clair que le propriétaire ne pourra s’offrir
d’autres produits souhaités par manque de moyens financiers.
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