Une révolution agricole de plus ?
La petite irrigation pour lutter contre la famine |
La grande révolution est sans doute l’usage du numérique
agricole. Des organisations de la société civile (ARDYS-CTA) et groupement de producteurs s’y sont largement intéressés.
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication se sont
introduites dans chaque maillon du développement de l’agriculture. De la
production, à la récolte et la conservation puis la commercialisation, le
numérique a gagné plus d’espace rendant l’activité agricole plus
« facile » et transparente. Le client peut vivre le quotidien du
producteur et vice versa. Cette révolution s’appuie sur la collecte et le
traitement de données agricoles dans le but d’utiliser les résultats comme
mesure d’anticipation, d’optimisation et de rationalisation des décisions. Aujourd’hui,
des outils jadis utilisés par le département militaire au sein des Etats se
sont invités à la cause agricole : le drone.
Qu’est ce qu’un drone ?
Un drone agricole |
Sa hauteur de vol comprise entre 50 et 150 mètres lui permet
d’acquérir des images avec une résolution spatiale aux alentours de 5 cm. Tout
comme la révolution du machinisme agricole avec l’émergence de tracteurs et
engins agricoles, l’intelligence numérique a éclaboussé le secteur agricole de
ces petits aéronefs robotisés et pilotables à distance.
Agriculture de précision et drone
Autrefois, l’agriculture s’appuyait sur le principe de
l’homogénéité des parcelles s’agrippant au cycle de production avec comme conséquence
les pratiques traditionnelles de culture (labour du sol, semis, désherbage,
fertilisation, protection des cultures). Pratiques il faut le signaler, étaient
appliquées sur les espaces de petites tailles avec des connaissances
environnementales et climatiques connues. Les changements climatiques (baisse
des précipitations, changement du calendrier culturale, …) combinée à la croissance
démographique ont conduit les producteurs à acquérir des espaces de plus en
plus denses et à développer des mesures d’adaptation afin de produire en
quantité suffisamment élevée et à moindre coût. C’est l’ère de gloire de
l’usage d’intrants chimiques et pesticides à outrance, l’arrivée des tracteurs
et engins agricoles. C’est aussi la prise en compte du numérique basé sur les
systèmes de géolocalisation, de cartographie et de drones agricoles[1].
Il s’agit de rendre compte d’une connaissance précise de la variabilité du
climat, de réduire les dépenses exorbitantes liées au fonctionnement des engins
agricoles, de prioriser la sécurité et la qualité des cultures afin de réaliser
des interventions ciblées. L’agriculture de précision est donc un système de
gestion de parcelle qui vise l’optimisation des rendements et des
investissements. Elle fait référence au principe de l’interventionnisme
« du bon endroit au bon moment ». Les drones agricoles, réputés
assez discrets, rapides et facilement maniables, ont la capacité de se faufiler
dans les lieux les plus accidentés et moins accessibles avec un record de gain
en temps. Il est parfaitement compatible avec le concept d’agriculture de
précision et cela pour des milliers de raisons.
Quelles contributions concrètes du drone au secteur agricole ?
Le XXIe marque sans doute le début de la
révolution troisième génération dans le domaine agricole. Les véhicules aériens
sans pilote sont jusqu’ici les derniers inscrits sur la liste en matière
d’innovation. Les observateurs et utilisateurs s’accordent pour affirmer que le
drone est d’une importance avérée pour le développement agricole, la lutte
contre la famine et l’insécurité alimentaire. Thomas Maltus n’avait certainement
pas prévu qu’une fois dos au mur, l’esprit humain pouvait se développer au
point de trouver des palliatifs aux difficultés d’existence dont il pouvait
faire face.
1.
Le drone pourrait faciliter l’accès au financement agricole
Les activités bancaires sont basées sur la prise de risque
et la confiance à elle accordée à sa clientèle. La confiance est en effet très
déterminante pour un établissement bancaire. Celle-ci est basée sur les preuves
documentaires que fournissent le requérant, des preuves qui doivent être
précises et justes. Seulement le secteur agricole est considéré comme pourvu de
plusieurs variables très instables (encore plus prononcé avec l’effet des
changements climatiques) ne favorisant pas l’accès au crédit. A travers un
drone, l’entrepreneur agricole pourra présenter avec exactitude l’étendue de
ses plantations, les cultures présentes,… Banques et assurances pourraient
l’utiliser comme assurance des services requis.
2.
Le drone comme outil de précision et de gain de temps
Collecte et traitement de données sont des opérations
généralement réalisées par les producteurs. Cette tâche s’avère périlleuse et
coûteuse lorsqu’il faille le faire sur des espaces de plus en plus importants.
Le temps est aussi une variable non négligeable car il faut rapidement
inspecter les cultures et administrer le traitement ou tout du moins mettre en
pratique la recommandation des résultats d’analyse. La collecte et le
traitement de données permettra ainsi de mettre sur pied un schéma d’analyse de
prédiction, d’optimisation et de rationalisation dans la prise de décision.
3.
Faciliter la commercialisation des produits
La commercialisation est un parcours de combattant pour
certains producteurs surtout des zones reculées des grandes agglomérations. La
faible maitrise des techniques post-collectes (notamment séchage) et le manque
de magasin contribuent au pourrissement (la perte) des récoltes lorsque
celles-ci ne sont pas écoulées. La montée du numérique notamment les
applications TIC[2]
de mise en relation des producteurs et acheteurs a révolutionné le secteur
agricole. Le drone contribue à authentifier la crédibilité des producteurs en
ce sens qu’il donne assez d’informations à l’acheteur de porter un jugement
précis 1) sur la disponibilité des produits, 2) la qualité et la quantité des
produits et finalement 3) s’accorder sur le prix.
4.
Le drone comme allié de lutte contre le changement
climatique
Les effets du changement climatique sur l’agriculture sont à
l’origine du déplacement des populations et changement d’activité (Molua,
2006), de l’ajustement du calendrier cultural, de la montée de l’usage des
intrants chimiques,… Il devient de plus en plus difficile de contrôler sa
plantation/ferme, de prévenir les feux de brousse, de détecter les besoins
urgents des végétaux (manque d’eau, manque s’azote), de veiller sur son
pâturage surtout lorsque celle-ci est à perte de vu. Le drone agricole permet à
ce jour de juguler ces aléas et de donner un renseignement précis. Il permet
même de prévenir des cas de vol de bêtes ou de production agricole à travers
les images/vidéos qu’il transmet aussitôt.
Les craintes et difficultés liées à l’usage du drone
Aussi nombreux que sont les bénéfices de l’usage du drone
agricole, il ne faut pas négliger ce qui pourrait être considérer comme
inconvénients. En effet, en 2014 en Australie, un drone a servi à la livraison
de la drogue[3]
dans une prison de l’Etat. L’agilité et la discrétion du drone peuvent
également servir à collecter les données sur des personnes sans leur
consentement. Il peut en ressortir d’images/vidéo et prise de sons
compromettants mettant ainsi en péril le respect des droits et la liberté des
populations.
Les freins à l’usage de drones pour leur part prennent en
compte :
i. La réglementation
Tout comme le monde aéronautique fonctionne sur la base
d’une réglementation bien établie, celui de l’usage du drone agricole doit être
également disponible. Au risque de noter les collisions, les dérapages (usage à
des fins immorales par exemples) des drones sur des territoires bien
déterminés. Les gouvernements africains notamment ceux de l’Afrique de l’Est
semblent plus avancés sur ce terrain. Au Cameroun, le Directeur de l’autorité
aéronautique signait en date du 18 novembre 2016 un document précisant les modalités de demande d’autorisation
d’utilisation d’aéronefs télé-pilotés dans l’espace aérien et sur le territoire
camerounais pour les opérations ponctuelles de travail aérien. Des
réglementations parfois contraignantes au goût des producteurs qui s’en
éloignent très souvent.
ii. Connaissances techniques
autour du drone
La technologie du drone n’est pas à la portée de tout le
monde. Par ailleurs, l’acquisition d’un drone devrait pouvoir intégrer le volet
formation à l’usage ainsi que celui de la maintenance. Au Cameroun, le secteur
est presque encore vierge. Seule l’entreprise Will&Brothers s’est
proposé de produire et commercialiser les drones construits sur le territoire.
Elle est la référence en Afrique centrale.
iii. Autres freins
La faible disponibilité énergétique surtout en campagne et
la qualité du débit internet qui n’est pas toujours optimale tout comme le coût
d’acquisition de cette technologie (entre 1000-8 000$) constituent un
ensemble d’aléas non négligeables à l’usage du drone agricole en Afrique.
[1] Le drone
agricole fait référence ici aux drones à usage agricole. Il est possible
d’avoir des drones à usage de tourismes, de bâtiments, …
[2]
Technique de l’Information et de la communication
[3]
Consulter le site www.Mirova.com (Article
de Louise Schreiber & Emmanuelle Ostiari publié en 2014 « Game of
drones : quelle place pour le développement durable dans les applications
civiles ?)